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Le nouveau comparateur du Médiateur de l’Energie propose une synthèse des offres commerciales des propaniers
Soit la DGCCRF est à court d’idée pour améliorer la concurrence dans le propane vrac. Soit elle considère qu’il n’y a plus de problème. Dans un cas comme dans l’autre, les consommateurs de propane sont dans la panade, alors que la TICPE vient de pointer sur nos factures le premier bout de son nez (un nez à rallonge).
C’est ce qui ressort de la réponse que le gouvernement vient de faire à la question posée par le député En Marche Loïc Kervran ( notre précédent article ici). Une réponse sans envergure aucune, ramenant la problématique posée par le député à une vulgaire histoire d’affichage de tarifs publics. Nous vous laissons découvrir cette réponse sur le site de l’Assemblée Nationale.
La DGCCRF nous a par ailleurs informé de la mise en ligne récente d’un nouvel outil de comparaison des offres commerciales des propaniers par le Médiateur de l’Energie, sur son site Energie-Info.fr. La page du comparateur, difficile à localiser, est visible sous le lien suivant :
Cet outil intéressera de prime abord tous ceux qui, novices en matière de gaz propane, se trouvent perplexes lorsqu’ils doivent comparer pour la première fois les offres de plusieurs fournisseurs. Pour ceux qui ne sont pas propriétaires de leur citerne, les contrats d’approvisionnement sont en effet particulièrement complexes à appréhender. Ce qui ne facilite pas leur tâche au moment de comparer les offres. Dans cette optique, le récent effort de la DGCCRF d’imposer à toutes les propaniers de jouer carte sur table en imposant un format unique, standardisé et exhaustif de présentation des offres, prouvera probablement son utilité. A noter que cette présentation uniformisée s’impose aux propaniers depuis le mois de mars dernier.
Le Médiateur de l’Energie a profité de cette clarification obligée pour réunir sur une même page internet les différentes offres des propaniers. Le principal intérêt de ce travail conjoint entre la DGCCRF et le Médiateur, outre qu’il évitera au consommateur d’aller se perdre sur des sites commerciaux comme Selectra ou Picbleu, sera de faciliter la prise de conscience du fait qu’on ne peut juger une offre sur le SEUL critère du PRIX du gaz. Pour comparer les offres des propaniers, il faut en effet ajouter au prix du gaz le prix de mise à disposition et d’entretien de la citerne, tout en gardant à l’œil les frais de retrait de citerne, non sans jeter un (autre) œil sur le prix de rachat des citernes, sans oublier un coup d’œil sur les frais de repompage. Cette gymnastique oculaire non remboursée par la sécurité sociale, ne visant au fond qu’à éviter de se mettre le doigt dans l’œil.
Le comparateur permettra en outre aux anciens clients qui le souhaitent de se tenir informé de l’ampleur de la dérive éventuelle entre le prix qui leur est facturé et le prix public « affiché » par le propanier, cet écart de prix représentant ce qu’ils pourraient gagner A MINIMA en prenant la peine de renégocier leur contrat, voire en changeant de crémerie.
Enfin il est indéniable que cet outil fera gagner du temps aux consommateurs de propane : plus besoin de convoquer les commerciaux à la maison pour prendre connaissance des offres « officielles ». Tout sera immédiatement disponible sur Internet, prêt à digérer.
A moins que……..un doute me prend soudain……….
Et si toutes ces offres commerciales affichées au grand jour n’étaient finalement que des « prix de référence » sans rapport avec des « prix de marché » ? Que des propositions commerciales sans rapport avec les prix que le client, nouveau ou ancien, peut obtenir en négociant par lui-même ? Quid si tout ceci n’était au fond que des chimères ?
La meilleure preuve que les propaniers continuent de nous amuser avec des tarifs officiels bidonnés, c’est qu’on n’a jamais vu un nouveau client recevoir la même offre qu’un client déjà captif. Le même jour, pour des quantités identiques, pour une citerne de même capacité située dans le même village, il est sûr et certain que l’ancien et le nouveau client ne recevront jamais la même proposition de prix du même propanier. Si les propaniers avaient voulu jouer la transparence sur le site du Médiateur, ils auraient donc présenté un double système tarifaire : les tarifs « nouveaux clients » (tarifs les plus bas) , et les tarifs pour «clients-déjà-captifs-de-la citerne-dont-ils-ne-sont-pas-propriétaire» (tarifs plus élevés) pour chaque offre commerciale.
A laquelle de ces deux tarifs pratiqués correspond donc l’offre théorique affichée sur le site du Médiateur ? Le consommateur lambda ignore la réponse. Ni la DGCCRF ni le Médiateur de l’Energie ne semblent avoir pensé à poser la question aux propaniers.
Pour ma part, et contre toute logique, j’affirme que les offres affichées sur le site du Médiateur NE sont PAS celles accordées aux nouveaux clients. Je reçois suffisamment de mails chaque semaine, envoyées par les lecteurs qui sollicitent mon avis, pour savoir que les offres faites aux nouveaux clients sont nettement plus intéressantes que celles affichées sur le site du Médiateur. Une DGCCRF sans ambition répondrait probablement qu’on ne peut que s’en réjouir pour les futurs clients ! C’est bien la réaction inverse qu’il convient d’avoir : la DGCCRF aurait dû obliger les propaniers à afficher leurs offres les plus basses. Ce sont ces offres-là qui intéressent avant tout les acheteurs de propane et non les tarifs «officiels » auxquels les propaniers font référence pour mieux les contourner à la baisse comme à la hausse, histoire de garder au secret les « vrais » prix du propane.
Le jeu de dupes va ainsi pouvoir continuer au détriment du consommateur. Le novice qui tombera sur le site Energie-Info.fr sera porté à croire faussement qu’il n’a plus besoin de contacter chacun des propaniers pour solliciter leurs propositions commerciales, puisque celles-ci sont actualisées en permanence sur le site du Médiateur. Les consommateurs non informés feront donc leur choix en prenant pour argent comptant les informations figurant sur ce site. Quoi de plus objectif, en principe, qu’un organisme public indépendant ? Quant au lecteur de l’ADECOPRO, il saura que les informations publiées par le Médiateur ne préfigurent pas les conditions qu’il est susceptible de négocier avec les différents propaniers (un avertissement en ce sens sur la page du site du Médiateur ne serait pas inutile).
Que faut-il en déduire ?
Voilà ce qu’il faut en déduire : il aurait fallu un événement politique majeur pour qu’un effort mobilisant la DGCCRF et le Médiateur de l’Energie puisse aider véritablement le consommateur à obtenir sans effort un prix décent, à défaut d’un véritable «prix de marché». En attendant, du côté des grandes entreprises comme du côté des cabinets ministériels, il y a des gens qui sont fortiches pour agiter des pompons au dessus du manège, afin d’occuper les administrations et leurs administrateurs à des tâches inutiles. Ceci dans le seul but d’animer le cortège de l’Etat pour donner l’illusion que les choses bougent. Mais seuls les petits enfants peuvent croire de telles histoires. Nous autres adultes savons bien qu’on nous tourne juste en bourrique.
Pendant ce temps là, je reçois un courrier de la « Fondation ESSEC » (un truc pour le rayonnement de mon ancienne école) dans lequel je découvre que Gilles Gobin, ESSEC promo 74, patron de Rubis – Vitogaz, a signé un joli chèque en faveur de cette Fondation, d’une valeur comprise « de 100 000 à 199 999 € ». Moi qui était prêt à envoyer un chèque de 20 €, je perçois soudain comme une odeur d’oeuf pourri flottant au dessus de la Fondation. La belle plaquette liste le nom de tous les donateurs, avec une indication de leur niveau de générosité, pour m’inviter à me joindre à la cohorte. Problème : je n’ai pas encore créé ma société de distribution de gaz en citerne. La Fondation ESSEC va donc devoir attendre encore un peu.
Primagaz et Vitogaz dénoncent leurs propres turpitudes devant le Conseil d’Etat !
Le Comité National Contre le Tabagisme (CNCT) vient de porter plainte contre les 4 géants du secteur en invoquant une fraude sur les filtres à cigarettes qui perdurait tranquillement depuis des décennies. Les taux réels de nicotine et de goudron sont de 2 à 10 fois supérieurs aux taux affichés, affirme le CNCT. Le plus drôle, c’est que c’est l’industrie elle-même qui a vendu la mèche, raconte le Monde du 10 février dernier. Cette prouesse des multinationales du tabac remonte en réalité à 1982. Cette année-là, Philip Morris attaquait devant la justice suisse un concurrent en utilisant le même argument que celui que le CNCT a retourné contre les cigarettiers, à savoir que la quantité de produits cancérigènes ingurgitée par un robot de laboratoire n’a rien à voir avec la quantité absorbée par une bouche humaine. Encore un de ces fameux « biais de laboratoire» générés par des conditions artificielles d’expérimentation, dont nous dénonçons régulièrement les conséquences « explosives » concernant l’absence de possibilité de détection de l’odeur du gaz par les personnes atteintes d’anosmie partielle ou totale, et notamment les personnnes âgées. Si les gens savaient à quel point tout ce qui concerne la santé humaine est manipulé par les pouvoirs économiques (et politiques) en place…..
Cette histoire marrante d’arroseur arrosé m’a fait réfléchir. Est-ce que par hasard il n’y aurait pas eu par le passé des procès intentés par des propaniers contre d’autres propaniers, dans lesquels des décisions de justice ou des « attendus » permettraient de mettre à jour quelques pépites du même tonneau ? Pas besoin d’aller creuser à la pelleteuse dans les archives du ministère de la justice : je me suis souvenu que Primagaz et Vitogaz, les deux dindons du rachat de Totalgaz par Antargaz, avaient vainement tenté de demander au Conseil d’Etat l’annulation de l’accord sous conditions donné par l’Autorité de la Concurrence. Ce n’était pas à proprement parler un procès entre propaniers, mais ça y ressemblait beaucoup par les moyens de droit utilisés.
J’ai donc envoyé un mail au Conseil d’Etat pour demander les documents relatifs à cette affaire. Une partie seulement des documents produits par cette Cour de justice administrative est accessible au grand public. Comme j’avais les références de l’ affaire sous la main (*), j’ai pu obtenir très rapidement pour 7 € une copie électronique des conclusions du rapporteur public Mr Vincent Daumas. Jamais de ma vie je n’ai reçu une réponse aussi rapide d’un organisme d’Etat : dans les deux heures qui ont suivi ma demande. Il y a encore des institutions publiques qui fonctionnent….
Et là, bingo ! Au milieu d’un fatras de considérations sur la mainmise par Antargaz des dépôts régionaux de vrac suite au rachat de Totalgaz, je suis tombé sur quelques passages qui m’ont fait rire jaune. Je vous les livre à la suite telles que retranscrites dans les conclusions écrites du rapporteur public.
«La seconde critique soulevée ( par Primagaz et Vitogaz) contre l’analyse du marché de la distribution du GPL en gros et moyen vrac est tirée d’une erreur d’appréciation. Les requérantes reprochent à l’Autorité de la Concurrence de n’avoir pas retenu l’existence d’un effet anticoncurrentiel tiré de la captivité des clients »
Oui vous avez bien lu ! C’est bien Primagaz et Vitogaz qui reprochent à l’Autorité de la Concurrence d’avoir oublié de prendre en considération le fait que les propaniers du cartel, c’est-à-dire eux-mêmes, font tout ce qui est dans leur pouvoir pour maintenir leurs clients captifs. Attendez, la suite est encore plus drôle.
« A l’appui ( de leurs arguments) (Primagaz et Vitogaz) font valoir que les citernes utilisées chez les clients pour stocker le GPL livré par les distributeurs sont souvent la propriété de ces derniers . De sorte que lorsqu’un client veut changer de fournisseur, il doit commencer par lui racheter sa citerne ou payer pour son enlèvement. Les requérantes ajoutent que ce n’est pas le seul facteur de rigidité du marché : un autre facteur réside dans les pratiques contractuelles des distributeurs de GPL qui recourent souvent à des contrats de fourniture exclusive à long terme. »
Comme il est ridicule de voir les propaniers avouer leurs propres méfaits pour tenter d’échapper à leurs conséquences. Et qu’il est agréable de rappeler ici la désormais célèbre citation de Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». Voilà deux multinationales qui savent que les magistrats devant lesquels elles intentent une action en justice ne peuvent rien contre elles, sinon les débouter purement et simplement de leur demande, et qui s’accusent de fausser les règles de la concurrence, dans l’espoir de prouver que le rachat de leur concurrent ne ferait qu’aggraver l’absence de concurrence résultant de leurs propres pratiques. Extraordinaire, non ? Vous ne trouvez pas ce genre de cynisme répugnant, vous qui savez ce que ces pratiques commerciales vous coûtent au quotidien ?
La réponse de l’Autorité de la Concurrence, avalisée par le rapporteur, prouve que du côté de l’Etat, personne n’est dupe de la manœuvre initiée par les plaignantes.
« L’Autorité de la Concurrence fait valoir en réponse que le prix du rachat ou de l’enlèvement d’une citerne n’est pas déterminant pour les clients professionnels qui interviennent sur le marché en moyen et gros vrac. D’autre part les facteurs de rigidité mis en évidence par les requérantes qui sont bien réels, résultent de pratiques largement répandues qui ne sont nullement l’apanage des sociétés Antargaz et Totalgaz regroupées au sein de la nouvelle entité »
Une façon élégante de rappeler à Primagaz et Vitogaz qu’ils feraient mieux de la boucler sur le sujet. Vu l’état de la concurrence dans le secteur, ni l’Autorité de la Concurrence ni le Conseil d’Etat ne voient en quoi cette « opération de concentration aurait pour conséquence d’aggraver les effets de ces pratiques sur la captivité de la clientèle ».
On ne peut qu’approuver la réponse du rapporteur. J’ajouterai la chose suivante concernant spécifiquement le moyen et le gros vrac : je n’ai recensé à ce jour que deux moyens d’échapper au diktat des prix imposés par les propaniers français dans le moyen et le gros vrac, tout en améliorant le niveau de concurrence sur le marché :
- acheter les citernes de gaz : trop rares ont été les groupes industriels, issus du monde agricole pour la plupart, qui ne se sont pas laissés raconter des sornettes par les propaniers sur l’air de « ca ne sert à rien d’être propriétaire d’une citerne ». Il faudra un jour que j’aille interviewer ces rares acheteurs libres de propane (sous couvert ou non d’anonymat ) pour qu’ils racontent comment en devenant propriétaire de leur citerne, ils ont tout simplement renversé le rapport de force établi de longue date et abaissé considérablement leur prix d’achat : au lieu de craindre leur fournisseur, ils «sonnent » aujourd’hui les propaniers comme de vulgaires valets de chambre pour comparer leurs cotations de prix. D’après le témoignage de l’un deux qui a connu le monde d’avant et le monde d’après , il paraîtrait que ce retournement est assez jouissif…
- faire venir un concurrent étranger pour remplir les citernes à la sauvette. Il y a des spécialistes de la chose sur le marché du moyen et gros vrac. Evidemment on est dans le domaine de l’information confidentielle. Mais un peu d’entêtement et de la suite dans les idées peut faire beaucoup….
Si aucun de ces deux moyens n’est envisageable, le moyen ultime pour faire baisser durablement les prix dans le gros vrac sans se prendre la tête avec les propaniers consiste à créer ou à rejoindre un groupement d’achat professionnel puissant et organisé. Cette méthode a clairement la faveur des propaniers car les groupements en question sont des structures rarement ouvertes et généralement très discrètes. On ne trouve d’annuaire de ces groupements d’achat nulle part sur Internet et c’est bien dommage. Une liste des groupements existants par profession, métier ou territoire, qu’elle qu’en soit la taille, serait une avancée considérable vers plus de transparence des prix. Dernièrement un enseignant-artisan-potier qui a connu quelques mésaventures avec Vitogaz est venu chercher de l’aide à l’Association. Il ignorait qu’un groupement professionnel des métiers d’art regroupait ces artisans gros consommateurs de propane pour leur four à cuisson. Pour les propaniers, cette discrétion est la meilleure garantie que le bruit ne va pas se répandre qu’un tel achète le propane au prix du PLATTS plus une marge raisonnable ramenant le prix à la tonne autour de 600 ou 700 € hors taxe. Aucun effet de bord indésirable à craindre donc de la constitution de tels groupements d’achat sur le niveau de concurrence global sur le marché. Si vous utilisez le propane pour vos besoins professionnels et que vous n’avez pas la chance de connaître un groupement d’achat choyé par les propaniers, vous devez souvent vous sentir seul face à votre fournisseur de gaz…
Voyons maintenant ce que racontent Primagaz et Vitogaz au sujet de la concurrence dans le petit vrac.
Primagaz et Vitogaz commencent par se plaindre de l’effet anticoncurrentiel tiré de la captivité des clients petit vrac. Les deux lascars prétendent que l’Autorité de la Concurrence n’est pas en mesure d’apprécier la gravité de la situation à laquelle sont confrontés les consommateurs. Il est vrai qu’eux en connaissent un rayon sur le sujet. Selon eux « l’Autorité a commis une erreur d’appréciation ( en acceptant le rachat de Totalgaz) en n’identifiant pas sur le marché du petit vrac un effet anticoncurrentiel tiré de la captivité des clients » . Si c’est Primagaz et Vitogaz qui le dit, c’est que ça doit certainement être vrai. Les deux propaniers ont rendu leur copie séparément pour éviter d’être accusées de copier l’un sur l’autre. Primagaz n’hésite pas à enfoncer le clou. Le propanier néerlandais fait valoir que la captivité de la clientèle petit vrac est tellement forte « qu’elle limite les capacités de réaction des concurrents en cas de hausse des prix par la nouvelle entité et rend de ce fait impropres les remèdes envisagés par l’Autorité de la Concurrence ». Derrière cette phrase un peu compliquée se cache une vérité toute simple : lorsqu’Antargaz augmente les prix accordés à ses clients, dans une situation de concurrence normale, les clients se tournent vers un autre fournisseur. Dans le cas du propane, la captivité des clients interdit l’efficacité de mesures prises par les concurrents pour favoriser la « migration » des clients vers un autre fournisseur.
En clair Primagaz explique tranquillement aux magistrats que les propaniers sont les victimes du cartel qu’ils ont mis en place, cartel qui selon eux aggraverait les effets d’une concentration excessive de l’offre entre les mains de la future entité Antargaz- Finagaz. Il est vrai qu’avant le rachat de Totalgaz par Antargaz, les 4 propaniers avaient réussi à se partager le gâteau de manière relativement égale.
Toujours selon Primagaz, c’est parce que l’opération de concentration permet l’acquisition par la nouvelle entité de parts de marché considérables que la captivité de la clientèle deviendrait soudain une entrave à la concurrence particulièrement sensible. Pour le rapporteur, il s’agit là d’une affirmation gratuite et non d’une démonstration. Le rapporteur a parfaitement raison : on ne voit pas en quoi le rachat d’une clientèle déjà captive par un propanier détenteur d’une clientèle captive augmente le niveau de captivité global du marché. Le rapporteur aurait pu ajouter qu’il en serait tout autrement si Antargaz avait pu, à travers ce rachat, rendre captifs des acheteurs libres que Totalgaz aurait préalablement réussi à accaparer (on se demande bien comment d’ailleurs). Or d’acheteurs libres sur le marché du petit vrac, il n’y en a quasiment pas. Je suis bien placé pour le savoir.
Par contre, il est très étonnant de constater la méconnaissance des dispositions de la loi Hamon par l’Autorité de la Concurrence et le rapporteur du Conseil. Ces derniers auraient dû utiliser cet argument à l’encontre des moyens avancés par Primagaz. En effet lorsque Primagaz avance avec un certain culot que la captivité de la clientèle limite les capacités de réaction des concurrents, c’est vrai du fait de la durée des contrats. Mais c’est beaucoup moins vrai en 2016 (au moment où Primagaz rédige ces lignes) qu’en 2014, avant l’adoption de la loi Hamon. En effet la loi Hamon permet désormais aux consommateurs de se libérer des contrats longs en mettant fin par anticipation au contrat et ceci sans avoir à payer de pénalités (reste les frais de retrait de citerne dont le consommateur devra s’acquitter). Il suffirait donc en théorie que Primagaz et Vitogaz donnent une très large publicité sur les avantages procurés par la loi Hamon en cas de hausse tarifaire pour retirer les bénéfices d’une augmentation impromptue des tarifs par Antargaz. Enfin rien n’interdit à Primagaz et à Vitogaz, s’ils le voulaient vraiment, de faciliter la démarche de changement de fournisseur à l’attention des clients captifs de la future entité Antargaz en prenant les mesures très concrètes suivantes :
- Créer un site Internet expliquant toutes les démarches à accomplir pour changer de propanier. Le site de l’Adecopro témoigne, à travers la nature des questions posées par les lecteurs, du fait que ces derniers sont très souvent dans le brouillard pour changer de fournisseur au moment de l’achat de leur nouvelle maison ou en fin de contrat. Le CFBP qui pourrait fort bien s’atteler à cette tâche, préfère visiblement faire du lobbying plutôt que d’aider les consommateurs. On notera que l’équivalent anglais du CFBP a été forcé par l’Autorité de la Concurrence de GB de financer un site internet expliquant par le menu la procédure de changement de fournisseur. Et pourtant cette procédure est infiniment plus simple en Grande Bretagne qu’en France….C’est dire si on n’est pas aidé…
- Proposer de prendre systématiquement à leur charge les frais de retrait de citerne imposés par Antargaz aux consommateurs souhaitant quitter la nouvelle entité.
Rien de cela n’a été fait par les propaniers contestataires et vous pouvez être certain que rien ne sera fait sans une volonté ferme de la DGCCRF et de l’Autorité de la Concurrence. Ce qui prouve que Primagaz et Vitogaz ne font qu’amuser la galerie en jouant du pipeau. Le tableau de la concurrence dans le petit vrac n’est donc pas aussi glauque que le portrait qui en a été brossé par les deux comparses, même s’il n’est assurément pas très reluisant pour les consommateurs.
Les magistrats ne se sont pas laissés impressionner. Ils reconnaissent que « le degré de captivité des clients à l’égard de leur fournisseur est supérieur sur le marché du petit vrac ( à celui du moyen et gros vrac) parce qu’il s’agit non de professionnels mais de particuliers dont le pouvoir de marché est moindre ». Si mes souvenirs des cours d’économie sont bons, on entend par « pouvoir de marché » tous les moyens dont disposent les clients pour négocier un meilleur prix, voire, le cas échéant, pour changer de fournisseur. On pourrait objecter ici que si le « pouvoir de marché » des consommateurs français est aussi faible face aux propaniers, c’est avant tout, parce que la DGCCRF et l’Autorité de la Concurrence n’ont pas fait correctement leur boulot. Lequel incluait l’interdiction ou à tout le moins la réglementation les frais de retrait de citerne. On aurait donc aimé que la « distribution de baffes » du Conseil d’Etat n’esquive pas la question de la responsabilité de la DGCCRF et de l’Autorité de la Concurrence dans nos malheurs passés et présents. Mais c’était probablement trop demander à des fonctionnaires d’Etat chargés de juger les erreurs et manquements de l’Etat.
Pour finir les magistrats du Conseil d’Etat ironisent en se payant la tête des deux comparses « … il nous semble que les requérantes dramatisent le degré de captivité des clients. A les suivre, ces derniers seraient pieds et poings liés, à la merci de leur fournisseur et incapables d’en changer. Si c’était vrai, toute concurrence aurait déjà disparu de ce marché, avant même l’opération de concentration…..». D’après les magistrats, ce ne serait pas ce qui ressort des pièces du dossier. Ouais…bon… disons qu’ils ont globalement raison. Mais pour trouver de la concurrence sur le marché du petit vrac, les magistrats ont intérêt à chausser de bonnes lunettes…
Conclusion
La lecture de ce document n’est pas inintéressante pour les consommateurs qui entendent s’organiser pour ne plus se laisser marcher sur les pieds par les propaniers. Elle nous permettra de faire valoir à l’avenir la position du Conseil d’Etat. Celui-ci considère que dès lors que le prix de rachat de la citerne ou les frais d’enlèvement de la citerne est significatif dans le budget de chauffage des ménages, les propaniers disposent d’un moyen d’atténuer considérablement le niveau de concurrence en augmentant les prix de rachat et les frais d’enlèvement . La facilité de rachat des citernes et la suppression des frais de retrait ont été notre préoccupation permanente à l’ADECOPRO, depuis la création de l’Association. Le Conseil d’Etat confirme le bien-fondé et la légitimité de notre inquiétude.
Pour créer demain un véritable marché concurrentiel ( et ça urge, du fait de la TICPE qui arrive) les consommateurs doivent agir devant les tribunaux français pour faire cesser les frais de retrait abusifs. Et ils devront demain se procurer des citernes clés en main à des prix beaucoup plus raisonnables que ceux proposés par le cartel français du propane. Quitte à boycotter le principal fabricant de citerne français GLI (ce que Gaz Liberté n’a pas osé faire), et à mettre le bordel sur le marché français de la citerne comme Actigaz l’avait fait en boycottant Citergaz-GLI en allant acheter ses citernes en Espagne. Tant que nous dépendrons des distributeurs de gaz pour la fourniture et l’entretien des citernes, ils auront les moyens de contrôler ce marché.
Là est le double verrou que nous entendons faire sauter grâce aux tribunaux. Et grâce à l’Europe.
(*) N°390457 et 390774 Compagnie des Gaz de Pétrole Primagaz, Société Vitogaz France 3eme et 8eme chambres réunies. Séance du 22 Juin 2016. Lecture du 6 Juillet 2016
Un député En Marche demande au gouvernement pourquoi le dossier propane vrac n’avance plus
On se demande comment le député Loïc Kervran peut avoir le temps de siéger à l’Assemblée nationale. Dans le privé, il se présente en effet comme numéro deux de l’audit chez HSBC France. Pour ceux qui l’auraient oublié, un article de 2015 du journal Le Monde, nous remet en mémoire quel genre d’établissement bancaire est exactement HSBC :
» La femme qui tape du poing sur la table, ce jour de juillet 2013, c’est Elizabeth Warren, la nouvelle coqueluche du Parti démocrate américain. Sa cible, la banque britannique HSBC. « Combien de milliards de dollars faut-il blanchir, combien d’embargos faut-il violer pour qu’on envisage enfin de fermer une banque comme celle-ci ? », s’emporte la sénatrice du Massachusetts, scandalisée par la simple sanction de 1,9 milliard de dollars infligée à la filiale américaine de HSBC. Celle-ci vient d’être reconnue coupable de blanchiment de l’argent de la drogue des cartels mexicain et colombien et d’organisations en lien avec le terrorisme. La banque a tout avoué. Des guichets avaient été ouverts pour blanchir les valises de billets des narco-trafiquants. Puis le cash était convoyé par avions et véhicules blindés jusqu’aux Etats-Unis. Le trafic a duré sept ans, de 2003 à 2010, admis sinon couvert par les dirigeants. Comme ont été aussi tolérés les liens d’affaires avec des organisations suspectées de soutien au terrorisme, dont la banque saoudienne Al Rajhi, proche d’Al-Qaïda. L’affaire est très grave. Mais elle se solde par une amende. Une sanction vite payée, vite oubliée donc, même si elle est assortie d’une période de probation de cinq ans, jusqu’en 2018. Devant la commission sénatoriale consacrée à l’affaire, les mots d’Elizabeth Warren cinglent, laissant le représentant du Trésor américain, David Cohen, un moment sans voix.
L’affaire HSBC n’est pas seulement le symbole des dérives de la finance. Elle révèle l’impuissance des politiques face à ces mastodontes bancaires, qui se relèvent toujours indemnes des pires scandales, au nom de leur place centrale dans le financement de l’économie. Avec 270 000 salariés dans plus de 80 pays, HSBC est un poumon de l’économie mondiale. Qui oserait compromettre son avenir en la privant de sa licence bancaire ? Et pourtant… Les infractions commises par le géant bancaire en Amérique centrale et du Sud sont loin d’être des faits isolés. Du blanchiment d’argent sale aux affaires de manipulation de taux servant de référence aux activités financières (Libor, Euribor…), en passant par la vente de produits financiers toxiques, on ne compte plus les procédures judiciaires dans lesquelles le groupe est impliqué ou cité.
Et voilà que s’ouvre un nouveau front, avec cette affaire d’évasion fiscale suisse dont HSBC semble s’être rendue coupable à grande échelle, pour le compte de fraudeurs au fisc mais aussi, fait bien plus préoccupant, de groupes criminels fichés, voire déjà condamnés. Des criminels dont la banque a aidé à dissimuler l’argent dans les paradis fiscaux les plus opaques. Comment de tels individus ont-ils pu passer le filtre de l’obligation faite aux banques du monde entier de connaître leurs clients et de surveiller leurs comptes ? Comment de telles pratiques ont-elles pu exister au sein d’un groupe soumis à une double surveillance interne et externe, jusqu’alors bien réputé – en tout cas en Europe – en matière de contrôles anti-blanchiment……… ? »
J’arrête là les jérémiades du Monde. On a compris quelle genre d’organisation criminelle en col blanc se cache derrière le sigle HSBC. Vous connaissez la suite de l’histoire. Mais vous ignorez certainement cette autre « histoire dans l’histoire », que je découvre à l’instant en corrigeant mon article : une histoire totalement ahurissante, celle de la biographie du patron d’HSBC à cette époque, prêtre officiel de l’église anglicane, Lord Stephen Green devenu ministre britannique du commerce de 2011 à 2013. Il faut lire les incroyables louanges de ce prêtre – banquier d’affaire en faveur de la spéculation, pour se rendre compte du niveau d’anéantissement moral qui règne parmi les représentants de certaines églises réformées.
Pas de doute Mr Kervran, embauché par HSBC en mars 2011, c’est à dire entre la commission des affaires de blanchiment de fraudes fiscales par la filiale suisse du groupe (affaire dite « Swissleaks »), et la date de leur révélation par la presse, pourrait nous en raconter de bien bonnes sur les aspects les répugnants de ce dossier. Dommage que LUI ait décidé de se taire. En tout cas, ce député En Marche a intérêt à se lever tôt s’il entend récurer les écuries d’Augias de sa banque préférée. La tâche semble proprement herculéenne. D’autant plus que sa fiche Linkedin nous apprend qu’en tant qu’auditeur comptable passé chez Mazars ( cabinet d’audit français qui affectionne les paradis fiscaux selon cet article), il est certifié « anti blanchiment d’argent » ( Certified Anti Money Laundering Specialist) . Qu’est ce à dire ? Est-il certifié pour traquer le blanchiment dans la banque ? Ou bien est-il certifié pour empêcher la révélation de tout blanchiment par les lanceurs d’alerte ? Le doute s’installe puisqu’il est patent que lui-même n’a pas contribué à exposer cette affaire au public ! Sinon il ne travaillerait plus depuis belle lurette chez HSBC !

Salle de bal des vampires ? Kervran a déjà les crocs qui pointent tandis que Macron fait bien gaffe de les cacher
Le député Kervran (LREM), qui fêtait hier ses 34 ans ( bon anniversaire Loïc !) a été élu au raz des pâquerettes en juin 2017, avec 50,9 % des voix, contre le député sortant Yann Galut (PS) un autre spécialiste de l’évasion fiscale et du blanchiment. Mais là où Loïc Kervran incarne la loi du silence propre aux organisations criminelles et aux banques, à l’image de son mentor et ex-employé de Rothschild, un certain Macron, Galut incarne lui les tentatives plus ou moins abouties des pouvoirs publics de réguler et de contrôler ces mastodontes. Ce singulier face à face électoral dans la 3eme circonscription du Cher a notamment valu à Yann Galut l’honneur d’interroger l’ex collègue de son futur adversaire politique (!!) , l’informaticien franco-italien Hervé Falciani, ci-devant cauchemar de HSBC. Par la suite Yann Galut a joué un rôle important dans la mise en place d’un statut particulier visant à protéger les « lanceurs d’alerte», qui sera finalement adopté par l’Assemblée. Après les aveux de Jérôme Cahuzac en avril 2013, Yann Galut sera même nommé rapporteur du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Cet activisme anti-fraude ne lui évitera pas de se faire battre par le « nettoyeur » d’HSBC Loïc Kervran, aux élections législatives de juin 2017.
Amusante confrontation électorale : les électeurs ont choisi d’élire un député En Marche payé pour éviter à des organisations criminelles (les banques) de se faire coincer les doigts dans le pot de confiture de l’évasion fiscale et du blanchiment; alors qu’ils auraient pu, en lieu et place, élire un homme dont le parcours politique témoigne de sa volonté de déballer la fraude au grand jour, en protégeant ceux qui ont le courage de la dénoncer. Il faut vraiment que les français soient lobotomisés par les médias à la solde des Rothschilds et autres idéologues néo-libéraux pour préférer un Kervran à un Galut ! Cet avis polémique n’engage évidement que le rédacteur de ces lignes, lui même ancien banquier repenti (eh oui, nobody is perfect).
Un bon point tout de même pour Loïc Kervran. En tant qu’élu d’une circonscription très rurale, il vient de poser la semaine dernière une excellente question au gouvernement à propos de l’absence de concurrence dans le propane vrac :
« M. Loïc Kervran interroge M. le ministre de l’économie et des finances sur la concentration du marché dans le secteur de la consommation de gaz en citerne pour les particuliers et le manque de transparence des prix du propane vendu aux particuliers. Sur ce segment de marché très sectoriel, près de 90 % de l’offre provient de cinq fournisseurs de propane. La rigidité du marché est d’autant plus grande que les contrats conclus avec les particuliers peuvent aller jusqu’à cinq ans, qu’ils sont complexes (car ils comprennent souvent un couplage plus ou moins exclusif entre différentes prestations comme l’approvisionnement en gaz, la mise à disposition ou la mise au rebut de la citerne, les travaux d’entretien, etc.) et comportent enfin des clauses de résiliation complexes, rendant souvent la rupture du contrat onéreuse. En plus de l’opacité et de la rigidité des contrats, les prix du propane sont entièrement et unilatéralement décidés par les fournisseurs : il n’existe pas de tarifs réglementés à l’instar de ce qui est fait pour le gaz naturel en réseau. Or force est de constater que le mécanisme de fixation des prix prend en compte de multiples variables mais sans jamais répercuter sur les particuliers les chutes constatées des prix du propane sur les marchés mondiaux. Aussi dans la lignée des éléments portés par la loi Hamon (limitation de la durée des contrats à cinq ans maximum, notification obligatoire des modifications apportées au contrat, indication du prix de vente de la citerne, etc.), il lui demande de lui indiquer dans quelle mesure il compte poursuivre les avancées dans ce domaine pour faire évoluer les contrats de propane en citerne dans un sens favorable aux consommateurs et instaurer plus de transparence sur les prix et les conditions des contrats. »
J’adore l’expression « prend en compte de multiples variables… » comme euphémisme pour désigner de stupides algorithmes dressés par des informaticiens pour recracher des prix à la tête des clients.
Mr Kervran demande donc pourquoi le dossier propane reste en vrac 3 ans après l’entrée en vigueur de la loi Hamon sensée résoudre tous les problèmes.
Sauf que cette question ne fera pas avancer le schmilblick d’un pouce, car la DGCCRF qui gère ce dossier pour le compte du Ministère de l’Economie, et qui sera donc chargée de rédiger la réponse à Loïc Kervran, n’a pas l’intention de faire quoi que ce soit de plus que les cadeaux déjà consentis aux consommateurs en 2014 à travers la loi Hamon sinon d’imposer une meilleure comparabilité des tarifs, comme elle vient de le faire vis a vis des opérateurs de téléphonie mobile en tapant du poing sur la table. Autant dire rien. On vous rapportera quand même d’ici à quelques mois la réponse de la DGCCRF au député Kervran…. Pour rire.
Il faut bien laisser à Kervran la possibilité de faire son cinéma de jeune député pour nous faire croire qu’un sous-directeur de l’audit d’HSBC, passé par la filière « Affaires Internationales » de Sciences Po Paris et par la London School of Economics, deux fiefs de l’orthodoxie néo-libérale, s’intéresse vraiment aux factures de propane des locataires ruraux de Trifouillis les Oies.
Ceci dit le député En Marche est parfaitement dans son rôle : un gouvernement libéral se doit en principe de faire quelque chose pour favoriser la concurrence …..Sauf que tout est dans le « en principe ». Kervran est bien trop jeune pour comprendre que le libéralisme économique à la sauce française, c’est juste une idéologie qui sert à justifier les privatisations et la mise au pas des salariés et des fonctionnaires. Et que la concurrence sensée aller de pair avec libéralisme et privatisations, par contre , c’est juste bon pour les étudiants en économie et autres naïfs nés de la dernière pluie : les pouvoirs économiques sont en France beaucoup trop proches des élites politiques pour que la concurrence, qui les emmerde profondément, ait réellement voix au chapitre.
Frais de retrait de citernes : l’ADECOPRO dévoile le vrai coût pour les propaniers
Un adhérent de l’ADECOPRO client d’Antargaz, nous a permis de mettre récemment la main sur un document qui n’aurait jamais dû, en principe, parvenir jusqu’à nous. Il s’agit d’un devis de transport et de mise en place adressé le 09/11/2017 par GLI Services ( logisticien en citernes de gaz) à Antargaz pour une citerne appartenant au propanier.
Je précise de suite (pour éviter que les esprits ne s’échauffent inutilement), que ce document ne provient pas d’un vol, et qu’il n’a pas non plus été obtenu par la ruse ou la contrainte. Il a tout simplement été envoyé par Antargaz, parmi d’autres documents, à un client désireux de racheter sa citerne. La raison pour laquelle ce devis de transport de citerne, qui ne le concernait nullement, se trouvait à l’intérieur de son dossier importe peu. Si nous avons décidé de rendre public ce document, c’est que le montant des frais de transport demandé à Antargaz par son sous-traitant GLI apparaît crédible au regard des informations dont nous disposons par ailleurs.
Nous cherchions en effet depuis des années un élément concret et tangible pour estimer les coûts de retrait des citernes pour les grands propaniers français. Ceci dans le but d’informer la DGCCRF, l’Autorité de la Concurrence, ainsi que les juges concernés, du montant inadmissible, au regard des coûts encourus, des sommes demandées aux consommateurs pour le retrait des citernes de gaz, notamment en cas de changement de fournisseur.
Pour cela il nous fallait connaitre le coût de mise en place ou d’enlèvement et de transport des citernes facturé en France aux multinationales du GPL. On rappellera que les trois leaders Butagaz , Primagaz et Antargaz-Finagaz sont propriétaires d’un parc de citerne qui se chiffre en centaine de milliers, ce qui leur permet d’obtenir des tarifs de transport de citerne sans aucune comparaison avec ceux facturés par exemple, par les sous-traitants travaillant pour Gaz Liberté ( plus de 2 € le km …). Les grands propaniers ne possèdent en effet aucun camion leur permettant de déplacer leurs propres citernes…
A défaut d’information pertinente sur les coûts réels en France, nous avions relevé sur les forums américains des frais de retrait de 80 USD à 150 USD par citerne. Des sommes qui font néanmoins bondir les consommateurs américains, surpris de devoir payer le moindre cent pour se débarrasser d’un fournisseur indélicat et n’hésitant pas à négocier des rabais sur ces sommes. Sur le site de ce propanier régional dans le Maine, la « tank removal fee » est de $104 / heure . Au Canada demander 206 Euros pour enlever une citerne est considéré comme une arnaque comme nous le racontions ici dans un précédent article. Dans cet article publié récemment un des majors américains réclame $90 pour enlever sa citerne à un client ayant décidé de lui fausser compagnie en urgence. En Grande Bretagne il était question de 160 £ pour un retrait de citerne enterrée, une somme que la « Fair Trade Commission » trouvait à l’époque fort dispensable. Notez bien qu’il s’agit là de montants demandés aux consommateurs anglo-saxons par les propaniers, et non des coûts logistiques encourus par les mêmes propaniers.
En France la DGCCRF ne trouve rien à redire lorsque Butagaz demande pour la même opération 750 € à ses clients, et Vitogaz plus de 1100 €. La DGCCRF a l’indignation bien sélective. Ces prix sont d’autant plus délirants que les propaniers se donnent trois mois pour dégager leur citerne de votre jardin. Pas vraiment le genre de service qu’on peut qualifier de « rapide et efficace ». Des prix nettement moins élevés pourraient à la rigueur se justifier par un délai d’enlèvement de 10 jours, qui est la norme aux USA ou en Allemagne. Quand on pense que ce délai, porté de deux à trois mois par la loi Hamon, n’a été rallongé que dans le seul but de satisfaire le souci des propaniers et des logisticiens de lisser les mouvements de citerne dans le temps et donc de baisser les coûts, on arrive à la conclusion que dans cette affaire d’installation et de retrait de citerne, les intérêts des consommateurs n’ont jamais été pris en compte.
Que dit donc le devis de GLI Services ? La citerne (aérienne) a voyagé entre les locaux de GLI Services à Toulenne près de Bordeaux, et la commune de Mauzac en Haute Garonne. Vérification faite, la distance entre ces deux villes s’établit à 230 km.
Le devis de GLI Services à Antargaz :
Pour cet aller simple, le prix demandé à Antargaz s’établit à 178 € HT soit 0,77 €/ km (*)
Soit un tiers de ce qui est demandé à Gaz Liberté en Ile de France pour une installation de citerne ! On voit là à quel point l’effet d’économie d’échelle joue en défaveur des petites entreprises qui essaient de développer leur affaire dans l’ombre des géants.
Etant donné la distance parcourue, le type de matériel roulant et de personnel spécialisé affecté à l’opération, ce prix parait néanmoins très bas si la citerne avait voyagé seule sur le camion plateau. Il est donc logique de supposer qu’au cours de cette même tournée, GLI Services avait prévu de ramener d’autres réservoirs à Bordeaux et/ou d’expédier d’autres réservoirs dans la région, réduisant d’autant le coût unitaire de transport de chaque citerne.
Ceci n’invalide nullement notre raisonnement. En effet les citernes se déplaçant TOUJOURS en quantité sur les camions-plateau des logisticiens spécialisés, peu importe les circonstances ayant présidé à l’établissement dudit devis. La conclusion de notre enquête reste la même : le coût d’installation et de retrait d’ UNE citerne est tellement faible, comparé aux sommes demandées aux consommateurs français pour ces mêmes opérations, qu’il ne fait aucun doute que les propaniers se dédommagent à travers les fameux « frais de retrait » des frais encourus en début comme en fin de contrat . En effet aucun frais d’installation de la citerne n’est jamais facturé au consommateur au démarrage du contrat (initial ) comme le savent les consommateurs, et comme la DGCCRF devrait le savoir si elle prenait la peine de le vérifier. Non content de répercuter l’ensemble de ses coûts en fin de contrat, certains propaniers prennent une marge non négligeable sur l’ ensemble de l’opération « installation + retrait » réalisée par le sous-traitant.
Une telle pratique consistant à reporter in fine les sommes dues par le consommateur est interdite par la loi car, en augmentant artificiellement les « frais de sortie » de contrat (« exit costs »), elle dissuade le consommateur de changer de fournisseur.
Cette petite enquête, la DGCCRF aurait dû la mener depuis très longtemps, pour arriver à la même conclusion que nous. Elle en a les moyens de « police ». Pourquoi ne l’a t’elle pas fait ? Pourquoi n’interdit-elle pas aux propaniers de facturer des frais de retrait aussi invraisemblables, puisque son boulot est de s’assurer que les intérêts des consommateurs français ne sont pas foulés aux pieds par les multinationales ? Face à face, les représentants de la DGCCRF nous répondent que cette histoire concerne l’Autorité de la Concurrence et non la DGCCRF… Un peu facile comme réponse.
Quoiqu’il en soit, nous avons jugé cette information trop importante pour n’en faire bénéficier que les seuls adhérents de l’Association. Un scan du devis de GLI Services est donc mis en ligne afin que chacun puisse s’en inspirer pour exiger une ristourne sur ses propres frais de retrait de citerne. Voire pour intenter une action en justice afin d’obtenir de ne pas payer « in fine » que les seuls frais de transport encourus par le propanier pour le trajet retour de la citerne.
Ce qui ne serait que justice.
(*) Il s’agit d’une citerne aérienne. Pour une citerne enterrée, les moyens mis en oeuvre sont exactement les mêmes sauf que l’opération de déterrement nécessite 10 minutes de plus pour le chauffeur grutier.
Mise à Jour du 25/02/2018 : l’Association accompagnera tous ceux qui veulent aller au tribunal pour mettre fin au scandale des frais de retrait de citerne abusifs. En relisant par hasard l’avis de l’Autorité de la Concurrence de Janvier 2014, je tombe sur cette pépite qui m’avait échappé. Nous tenons là un excellent argument pour faire condamner les frais de retrait par les juges :
Point 146 de l’Avis de l’AC : » la mise à disposition gratuite de la citerne, qui implique que les coûts y afférents soient récupérés de façon opaque par l’industriel sur le coût
d’approvisionnement, et qui justifie l’exclusivité, devrait être proscrite. Dans un souci de
transparence, les coûts de l’installation, les coûts de location et d’entretien de la citerne
devraient être clairement séparés et identifiés au contrat, afin de donner au consommateur la possibilité d’apprécier les options qui lui sont offertes. »
Vous avez bien lu : l’AC parle des coûts de l’installation et non des coûts de retrait. Or ceux ci ne figurent plus dans les contrats depuis les années 80, les propaniers dissimulant désormais les frais d’installation DANS les frais de retrait ( ceci est expliqué dans cet autre article) . Au cas où les consommateurs souhaiteraient aller au tribunal, il suffira de dénoncer le fait que les contrats n’indiquent jamais les coûts d’installation ( comme recommandé par l’AC ) pour invalider les coûts de retrait de citerne figurant eux toujours dans les contrats.