Soit la DGCCRF est à court d’idée pour améliorer la concurrence dans le propane vrac. Soit elle considère qu’il n’y a plus de problème. Dans un cas comme dans l’autre, les consommateurs de propane sont dans la panade, alors que la TICPE vient de pointer sur nos factures le premier bout de son nez (un nez à rallonge).
C’est ce qui ressort de la réponse que le gouvernement vient de faire à la question posée par le député En Marche Loïc Kervran ( notre précédent article ici). Une réponse sans envergure aucune, ramenant la problématique posée par le député à une vulgaire histoire d’affichage de tarifs publics. Nous vous laissons découvrir cette réponse sur le site de l’Assemblée Nationale.
La DGCCRF nous a par ailleurs informé de la mise en ligne récente d’un nouvel outil de comparaison des offres commerciales des propaniers par le Médiateur de l’Energie, sur son site Energie-Info.fr. La page du comparateur, difficile à localiser, est visible sous le lien suivant :
Cet outil intéressera de prime abord tous ceux qui, novices en matière de gaz propane, se trouvent perplexes lorsqu’ils doivent comparer pour la première fois les offres de plusieurs fournisseurs. Pour ceux qui ne sont pas propriétaires de leur citerne, les contrats d’approvisionnement sont en effet particulièrement complexes à appréhender. Ce qui ne facilite pas leur tâche au moment de comparer les offres. Dans cette optique, le récent effort de la DGCCRF d’imposer à toutes les propaniers de jouer carte sur table en imposant un format unique, standardisé et exhaustif de présentation des offres, prouvera probablement son utilité. A noter que cette présentation uniformisée s’impose aux propaniers depuis le mois de mars dernier.
Le Médiateur de l’Energie a profité de cette clarification obligée pour réunir sur une même page internet les différentes offres des propaniers. Le principal intérêt de ce travail conjoint entre la DGCCRF et le Médiateur, outre qu’il évitera au consommateur d’aller se perdre sur des sites commerciaux comme Selectra ou Picbleu, sera de faciliter la prise de conscience du fait qu’on ne peut juger une offre sur le SEUL critère du PRIX du gaz. Pour comparer les offres des propaniers, il faut en effet ajouter au prix du gaz le prix de mise à disposition et d’entretien de la citerne, tout en gardant à l’œil les frais de retrait de citerne, non sans jeter un (autre) œil sur le prix de rachat des citernes, sans oublier un coup d’œil sur les frais de repompage. Cette gymnastique oculaire non remboursée par la sécurité sociale, ne visant au fond qu’à éviter de se mettre le doigt dans l’œil.
Le comparateur permettra en outre aux anciens clients qui le souhaitent de se tenir informé de l’ampleur de la dérive éventuelle entre le prix qui leur est facturé et le prix public « affiché » par le propanier, cet écart de prix représentant ce qu’ils pourraient gagner A MINIMA en prenant la peine de renégocier leur contrat, voire en changeant de crémerie.
Enfin il est indéniable que cet outil fera gagner du temps aux consommateurs de propane : plus besoin de convoquer les commerciaux à la maison pour prendre connaissance des offres « officielles ». Tout sera immédiatement disponible sur Internet, prêt à digérer.
A moins que……..un doute me prend soudain……….
Et si toutes ces offres commerciales affichées au grand jour n’étaient finalement que des « prix de référence » sans rapport avec des « prix de marché » ? Que des propositions commerciales sans rapport avec les prix que le client, nouveau ou ancien, peut obtenir en négociant par lui-même ? Quid si tout ceci n’était au fond que des chimères ?
La meilleure preuve que les propaniers continuent de nous amuser avec des tarifs officiels bidonnés, c’est qu’on n’a jamais vu un nouveau client recevoir la même offre qu’un client déjà captif. Le même jour, pour des quantités identiques, pour une citerne de même capacité située dans le même village, il est sûr et certain que l’ancien et le nouveau client ne recevront jamais la même proposition de prix du même propanier. Si les propaniers avaient voulu jouer la transparence sur le site du Médiateur, ils auraient donc présenté un double système tarifaire : les tarifs « nouveaux clients » (tarifs les plus bas) , et les tarifs pour «clients-déjà-captifs-de-la citerne-dont-ils-ne-sont-pas-propriétaire» (tarifs plus élevés) pour chaque offre commerciale.
A laquelle de ces deux tarifs pratiqués correspond donc l’offre théorique affichée sur le site du Médiateur ? Le consommateur lambda ignore la réponse. Ni la DGCCRF ni le Médiateur de l’Energie ne semblent avoir pensé à poser la question aux propaniers.
Pour ma part, et contre toute logique, j’affirme que les offres affichées sur le site du Médiateur NE sont PAS celles accordées aux nouveaux clients. Je reçois suffisamment de mails chaque semaine, envoyées par les lecteurs qui sollicitent mon avis, pour savoir que les offres faites aux nouveaux clients sont nettement plus intéressantes que celles affichées sur le site du Médiateur. Une DGCCRF sans ambition répondrait probablement qu’on ne peut que s’en réjouir pour les futurs clients ! C’est bien la réaction inverse qu’il convient d’avoir : la DGCCRF aurait dû obliger les propaniers à afficher leurs offres les plus basses. Ce sont ces offres-là qui intéressent avant tout les acheteurs de propane et non les tarifs «officiels » auxquels les propaniers font référence pour mieux les contourner à la baisse comme à la hausse, histoire de garder au secret les « vrais » prix du propane.
Le jeu de dupes va ainsi pouvoir continuer au détriment du consommateur. Le novice qui tombera sur le site Energie-Info.fr sera porté à croire faussement qu’il n’a plus besoin de contacter chacun des propaniers pour solliciter leurs propositions commerciales, puisque celles-ci sont actualisées en permanence sur le site du Médiateur. Les consommateurs non informés feront donc leur choix en prenant pour argent comptant les informations figurant sur ce site. Quoi de plus objectif, en principe, qu’un organisme public indépendant ? Quant au lecteur de l’ADECOPRO, il saura que les informations publiées par le Médiateur ne préfigurent pas les conditions qu’il est susceptible de négocier avec les différents propaniers (un avertissement en ce sens sur la page du site du Médiateur ne serait pas inutile).
Que faut-il en déduire ?
Voilà ce qu’il faut en déduire : il aurait fallu un événement politique majeur pour qu’un effort mobilisant la DGCCRF et le Médiateur de l’Energie puisse aider véritablement le consommateur à obtenir sans effort un prix décent, à défaut d’un véritable «prix de marché». En attendant, du côté des grandes entreprises comme du côté des cabinets ministériels, il y a des gens qui sont fortiches pour agiter des pompons au dessus du manège, afin d’occuper les administrations et leurs administrateurs à des tâches inutiles. Ceci dans le seul but d’animer le cortège de l’Etat pour donner l’illusion que les choses bougent. Mais seuls les petits enfants peuvent croire de telles histoires. Nous autres adultes savons bien qu’on nous tourne juste en bourrique.
Pendant ce temps là, je reçois un courrier de la « Fondation ESSEC » (un truc pour le rayonnement de mon ancienne école) dans lequel je découvre que Gilles Gobin, ESSEC promo 74, patron de Rubis – Vitogaz, a signé un joli chèque en faveur de cette Fondation, d’une valeur comprise « de 100 000 à 199 999 € ». Moi qui était prêt à envoyer un chèque de 20 €, je perçois soudain comme une odeur d’oeuf pourri flottant au dessus de la Fondation. La belle plaquette liste le nom de tous les donateurs, avec une indication de leur niveau de générosité, pour m’inviter à me joindre à la cohorte. Problème : je n’ai pas encore créé ma société de distribution de gaz en citerne. La Fondation ESSEC va donc devoir attendre encore un peu.