L’ADECOPRO en a rêvé. L’Etat du Vermont (USA ), l’a fait. Et de belle façon. Par une loi adoptée en 2011, le Vermont a rendu illégal sous certaines conditions la perception de frais relatifs à la terminaison des contrats de fourniture de gaz en citerne. Ces frais incluent notamment les frais de retrait de la citerne de gaz, lesquels sont souvent fixés à des niveaux dissuasifs.
Les propaniers ne font pas payer les frais de mise en place de leurs citernes en début de contrat. Ils se réservent ainsi la possibilité d’exiger des frais de retrait au moment où le consommateur souhaite éventuellement pouvoir changer de fournisseur. En imposant des frais de sortie de contrat (incluant les frais de retrait de citerne) très élevés, les propaniers parviennent à dissuader nombre de consommateurs à passer à la concurrence. Et lorsque, malgré tout , le consommateur décide de passer outre et de changer de fournisseur, le propanier peut toujours se consoler avec la marge qu’il réalise sur l’opération de retrait de la citerne : les sommes demandées aux consommateurs français, s’établissent selon les contrats de 500 € à 1400 € pour l’enlèvement d’une citerne aérienne ou enterrée. Alors que le coût d’enlèvement d’une citerne ne dépasse pas 200 € pour le propanier : les entreprises sous-traitantes s’organisent pour regrouper plusieurs enlèvements sur une même tournée dans le laps de temps ultra long (90 jours) dont elles bénéficient réglementairement en France pour procéder au retrait des citernes. De fait les frais de sortie de contrat sont beaucoup plus élevés en France que dans les pays voisins. Ce qui explique que les consommateurs français changent très rarement de fournisseur : c’est la vente du pavillon qui provoque le plus souvent le changement de propanier et le remplacement de la citerne du propanier sortant par la citerne du nouveau propanier .
Qu’a donc décidé le Vermont pour empêcher les propaniers d’entraver la concurrence en gonflant artificiellement les frais de sortie ?
A la suite d’une enquête du Procureur Général, faisant suite aux plaintes des consommateurs, le gouverneur du Vermont a décidé que les frais de retrait de citerne étaient ni plus ni moins des frais de changement de fournisseurs ( « switching costs » ), abusivement imposés en fin de contrat dans le seul but de dissuader de changer de prestataire. Exit donc les switching costs ! Voilà ce que dit la loi de 2011 du Vermont relative aux contrats de propane (remaniée en 2014 sous le nom « N°111 An act relating to terminating propane service » )
« Au moment d’interrompre le service (de fourniture de gaz) à un client, le propanier devra se conformer aux prescriptions suivantes :
1) Si le réservoir de stockage de gaz a été installé sur le lieu de résidence du client, que ce dernier soit ou non propriétaire des lieux, pendant 12 mois ou plus, le propanier ne pourra pas demander le paiement de frais liés à la fin du service de livraison de propane, y compris des frais :
- pour enlever la citerne appartenant au propanier, des lieux occupés par le client
- pour repomper le gaz ou le restocker
- de terminaison de service
2 ) Pour une durée de service inférieure à 12 mois, tous frais ou commissions relatifs à la terminaison du service ne pourra pas dépasser le prix de la main d’œuvre et des matériaux. Ce prix devra avoir été porté à la connaissance du client.
3 ) Dans les 20 jours qui suivent la date d’interruption définitive du service par le propanier ou, si celle-ci a lieu avant, de la réception de la notification écrite par le client de sa volonté d’interrompre la relation, le propanier devra retourner au client le montant payé par le client pour le gaz restant dans la citerne , moins les montants dus au propanier par le client. »
Ah ! Qu’on aime découvrir qu’il existe encore sur terre des pouvoirs publics sachant réellement défendre les consommateurs au lieu de se perdre en gesticulations médiatiques et en effet d’annonces. Ca nous change de notre triste loi Hamon, qui en matière de contrats de GPL, a eu à un peu près le même retentissement qu’un pet de truite dans un torrent de montagne.
Les mesures d’autorité publique prises par les Etats de la Nouvelle Angleterre ( Maine, Vermont, New Hampshire…) à l’encontre des propaniers américains sont intéressantes car le cadre économique et juridique dans lequel évoluent ces propaniers semble assez proche du cadre français. En effet la proportion de citernes propriété client est identique en Nouvelle Angleterre et en France (3 -4 % du total du parc installé) et reste très inférieur au niveau existant dans les pays où la concurrence n’est pas faussée (Allemagne); il semble par ailleurs que les propaniers déploient en Nouvelle Angleterre les mêmes stratagèmes mensongers que ceux déployés en France pour dissuader les consommateurs de devenir propriétaire de leur citerne; enfin le propane vendu en Nouvelle Angleterre, notamment dans sa partie septentrionale, est nettement plus cher que sur la Cote Est des Etats Unis (ce qui est aussi le cas de la France relativement à ses voisins du nord). La différence notable entre la situation du consommateur de Nouvelle Angleterre et du consommateur français, c’est la présence de dizaines de petits distributeurs indépendants qui parviennent à vivre à côté d’une poignée de gros distributeurs.
A l’inverse, le marché allemand diffère notablement du marché français ou celui de la Nouvelle Angleterre car il est ultra concurrentiel; quant au marché anglais, dont le niveau de concurrence se situe à un niveau intermédiaire entre le marché allemand et le marché français, son insularité fait qu’il ne fonctionne pas selon le modèle continental: la décision de la Competition Commission d’obliger les propaniers à se racheter les citernes dès lors que le consommateur souhaite changer de propanier en fait un cas (ou un modèle) à part.
Cette sémiologie comparée des « troubles du comportement commercial » des propaniers des deux côtés de l’Atlantique permet d’entrevoir un traitement identique : nous avons quelques raisons de vouloir soigner les désordres communs à certains cartels du gaz en utilisant les mêmes recettes légales. Sollicitons donc nos députés pour les convaincre de faire passer un projet de loi identique à celui du Vermont, afin d’en finir avec ces maudites entraves à la concurrence.