Votre contrat se termine et il vous reste du gaz dans la citerne qui doit bientôt être récupérée par le propanier ? Vous ne voulez pas payer les 350 € de frais de repompage du gaz exigés par votre propanier avant de retirer sa citerne ? Vous avez toujours la possibilité d’ouvrir la vanne et d’en laisser partir suffisamment dans l’atmosphère pour redescendre en dessous du niveau maximum autorisé pour le transport de cette citerne ( ce pourcentage maximum dépend de votre modèle de citerne : le site Acqualys et/ou votre propanier peuvent vous communiquer l’information).
Si vous me posez la question de savoir s’il est dangereux de vider ainsi le contenu de sa citerne dans l’atmosphère, je vous répondrai que c’est un peu comme descendre du train en marche. C’est pas recommandé, mais « y en a quand même qui ont essayé ». Ne me demandez pas de vous dire (et encore moins d’écrire) que l’opération consistant à répandre du propane dans l’atmosphère n’est pas dangereuse. Cette opération est dangereuse car une mini quantité de gaz confinée dans un espace clos peut donner lieu à une maxi-explosion. Le gaz est paradoxalement moins dangereux quand il brûle car sa présence devient alors visible, au lieu de ramper sournoisement sur le sol à la recherche de la moindre étincelle. Mais là encore je ne saurais trop vous dissuader de torcher le restant de gaz au-dessus de votre citerne. La pratique consistant à torcher le gaz est strictement réservée aux professionnels du gaz et aux services de secours. Et puis ça risque de laisser quelques traces de combustion sur les accessoires de la citerne que vous êtes censé restituer à votre propanier en parfait état……
A propos de torchage de gaz, je me permets une courte diversion. La quantité de méthane torchée à proximité des puits de forage de pétrole de schiste (faute de pouvoir être transporté ou stocké sur place) représente 300 millions de m3 de gaz PAR MOIS dans le seul Dakota du Nord. Des dizaines de milliers de flammes se consument nuit et jour au-dessus des torchères plantées dans les grandes plaines du Dakota donnant l’impression, vu de satellite la nuit, que cet état, un des moins peuplés des Etats Unis, est aussi densément peuplé que la métropole voisine de Minneapolis-Saint Paul. Une proposition de résolution de ce problème de « gaz-pillage » écologique, exposée récemment dans le Wall Street Journal par un chercheur d’un think-tank conservateur américain (« Fixing a power failure in the shale boom »), avance l’idée de demander aux autorités du Dakota du Nord d’étendre à l’électricité qui pourrait être obtenue grâce à des générateurs fonctionnant au méthane, le schéma de rachat obligatoire à prix subventionné de l’électricité produite actuellement par l’énergie solaire et éolienne. On imagine la bronca que ne manquerait pas de susciter, chez les écologistes européens, pareille proposition de récupération par le lobby pétrolier d’une mesure destinée à favoriser le développement des énergies renouvelables. Aussi astucieuse soit-elle, cette solution, qui, selon son auteur, pourrait fonctionner sans avoir recours à un subventionnement des prix de rachat, a peu de chance de voir le jour dans cet état frontalier avec le Canada : on ne transforme pas du jour au lendemain des bouts de lignes électriques prévues pour alimenter quelques fermes isolées en Kwh, en lignes électriques capables de transporter des Mwh au-delà des frontières de l’Etat. Comme quoi, on a beau aduler la main invisible du marché, il parait difficile de se passer totalement de planification écologique quand on veut préserver les ressources naturelles. En attendant de trouver la solution, le gaz-pillage lui, continue….
Je referme la parenthèse, et je reviens sur le sujet du jour : l’obligation contractuelle faite au propanier de racheter le gaz propane restant dans la citerne lorsque votre contrat d’approvisionnement en gaz se termine. Cette obligation ne concerne évidemment que les consommateurs qui ne sont pas propriétaires de leur citerne de gaz: la question du gaz résiduel ne se posant qu’au moment de la récupération de la citerne par son propriétaire. L’obligation de rachat est très rare dans le droit de la consommation. Beaucoup trop rare même ( on pourrait par exemple obliger les labos pharmaceutiques à racheter les médicaments non consommés etc……..Dans certains secteurs, l’obligation de rachat par le fabricant de son propre matériel usagé pourrait être un excellent moyen de lutter contre l’obsolescence programmée). Il faut la distinguer de l’ « obligation de reprise » qui est limitée à une durée plus ou moins longue après l’achat du bien ou de la marchandise par le consommateur. Contrairement à l’obligation de reprise, l’obligation de rachat ne connait pas de péremption : même si vous avez acheté votre gaz 5 ans plus tôt et que vous n’avez plus jamais commandé de gaz depuis, le propanier sera obligé de le racheter à son tarif actuel. Et tant mieux pour vous si le prix du gaz a doublé entre temps .
Pourquoi une telle obligation de rachat imposée au propanier ? Pour le comprendre, il suffit de regarder ce qui se passe là où il n’existe pas d’obligation de rachat, comme cela semble être le cas aux Etats Unis. Qu’arrive t’il en effet si le consommateur et le propanier ne s’entendent pas sur le prix de rachat du gaz restant dans la citerne ? Le retrait de la citerne risque de se faire aux conditions imposées par le propanier. Ce dernier peut en effet dire à son client : «soit vous me faites cadeau du gaz restant dans ma citerne, soit j’attends que cette citerne soit vide pour venir la retirer ». Et le consommateur pressé de voir la citerne partir, sera perdant dans les deux cas. Cette obligation de rachat par l’ancien propanier n’est donc pas simplement une mesure de justice vis-à-vis du consommateur, elle vise aussi à le protéger contre un fournisseur potentiellement abusif.
Vous pensez que cette situation relève du simple jeu de la négociation entre distributeur et consommateur et ne mérite donc pas d’être réglementée ? Alors lisez l’histoire qui suit.
Un couple d’américains de la ville de Lower Township , dans le New Jersey ( près d’Atlantic City) gravement blessés dans l’explosion de leur maison, vient de se voir attribuer il y a 15 jours, par la Cour d’appel du New Jersey, une indemnité de 1,9 millions de dollars à verser par deux entreprises locales : une entreprise de plomberie Shore Guys Heating and Air Conditioning et un petit propanier indépendant South Jersey Fuel and Propane.
James et Evelyn McCarty étaient à l’intérieur de leur maison de bois le 7 novembre 2013 quand l’explosion de gaz propane qui fit trembler tout le voisinage réduisit celle-ci en un tas de charbon et de débris carbonisés. Ce sont les voisins qui vinrent tirer les deux occupants, âgés à l’époque de 67 ans, des restes fumants de leur maison.
Là où l’histoire devient épique, c’est que cette maison n’était plus chauffée au propane depuis avril 2013. Elle était chauffée au gaz naturel depuis que le couple avait décidé de profiter d’une opération promotionnelle pour se raccorder au réseau de gaz de ville.
Pendant les travaux de conversion, les techniciens de l’entreprise de plomberie Shore Guys ont coupé les tuyaux passant sous la maison et fermé la vanne de la citerne de gaz, sans la verrouiller de manière à empêcher que quelqu’un puisse la ré-ouvrir par mégarde. Les ouvriers ont juste fermé la vanne de sortie de la citerne et ont quitté le chantier en oubliant de débrancher de la citerne le tuyau de gaz principal dont les différents piquages avaient été coupés sous la maison.
La citerne de gaz était la propriété de South Jersey Fuel and Propane. Le propanier avait été notifié de la conversion de la maison au gaz naturel et le compte client avait été soldé. Mais le propanier n’a pas procédé à l’enlèvement de la citerne. Pourquoi ? Les propriétaires de la maison étaient en effet propriétaires du gaz restant dans la citerne et ils avaient l’intention d’utiliser ce gaz en le faisant brûler dans leur foyer-cheminée ( ndlr : ces inserts au gaz, très courants aux Etats Unis, sont utilisés à la fois comme déco et comme complément de chauffage central ). Selon McCarty : «le propanier ne nous a pas offert de racheter le gaz restant. Ils nous ont dit « Finissez votre gaz et nous reviendrons chercher la citerne quand elle sera vide »».
Six mois après l’intervention du plombier, et la citerne toujours sur place, incapable d’allumer son foyer-cheminée au gaz, le couple demande à leur voisin de venir les aider à allumer le foyer au gaz. Ledit voisin, trouvant bizarre que la vanne de la citerne soit fermée, ré-ouvre la vanne de la citerne sans savoir que plusieurs tuyaux de gaz avait été coupés sous la maison. Ceci a eu pour conséquence de renvoyer le gaz restant dans la citerne dans les tuyaux coupés. L’enquête a conclu que le lendemain de la réouverture de la vanne de la citerne par le voisin, en prenant sa douche, Mr McCarty a allumé le chauffe-eau qui a provoqué l’explosion du gaz accumulé sous la maison.
Si Mr McCarty avait vécu en France, une telle histoire n’aurait pas pu lui arriver : même à supposer qu’un ouvrier puisse commettre de pareilles négligences sur un chantier (absence de sécurisation de la citerne et des conduites de gaz), le propanier aurait été obligé de racheter le gaz restant et d’enlever prestement la citerne, faisant disparaître le risque d’une mauvaise manipulation ultérieure de la vanne d’arrêt de la citerne.
C’est donc avec raison que l’entreprise de plomberie ET le propanier ont été condamnés à verser une indemnité au couple de plaignants. Considérée comme principale responsable, l’entreprise de plomberie devra s’acquitter de la majeure partie de cette indemnité (1,6 M.USD) alors que le propanier devra payer 275 000 USD.
Il convient donc de réviser la conclusion d’un précédent article publié sur le même sujet (cf archives de juin 2015). Pour rendre compte du nombre très élevé d’accidents liés aux citernes de propane aux USA, il ne faut pas simplement questionner l’absence de compétence professionnelle des ouvriers américains intervenant sur le gaz (l’exemple ci-dessus est malheureusement flagrant), ou la légèreté et l’imprudence des consommateurs américains, mais il convient aussi de remettre en cause le nombre insuffisant de garde-fous édictés par la réglementation relative à l’usage des citernes de gaz.
Si c’est dangereux de laisser le gaz partir, pourquoi ne le brûle-t-on? C’est du gaspillage de toute façon. Peut-être ça vaut le coût de payer le repompage, ou trouver un moyen de transporter la citerne quand-même.