La loi Consommation (loi Hamon) et les contrats gaz propane : le changement, c’est pas maintenant !
« En France, la classe politique se gargarise de grands mots et de petits actes » note un célèbre économiste proche des socialistes Thomas Piketty. Ce mot d’esprit convient particulièrement à la section 17 de la loi Hamon sur les contrats de gaz de pétrole liquéfiés.
Reconnaissons le d’emblée : la loi Consommation dite loi Hamon contient beaucoup de dispositions favorables aux consommateurs, notamment à travers le renforcement des pouvoirs de contrôle et de sanction de la DGCCRF, et l’introduction des fameuses actions de groupe (1). En ce qui concerne les contrats de GPL, la nouveauté de cette loi, qui prendra effet seulement au 1er Octobre 2014 (sept mois après sa promulgation), a consisté à reconnaître la nature spécifique des contrats de fourniture de propane en citerne, et donner à ces contrats un cadre législatif qui leur faisait défaut jusqu’à présent.
Les pratiques abusives des propaniers ayant été depuis longtemps reconnues par les tribunaux comme par la Commission des Clauses abusives, les consommateurs étaient en droit d’attendre d’un gouvernement réellement soucieux de protéger leurs intérêts, qu’il prenne en considération l’ensemble des décisions et recommandations émises par les diverses institutions juridiques françaises depuis 30 ans, sans même parler des recommandations récentes de l’Autorité de la Concurrence. Or non seulement le compte n’y est pas, mais les représentants du gouvernement n’ont pas voulu toucher au nœud du problème en donnant la possibilité aux consommateurs de changer de propanier à volonté, notamment lorsque ces derniers comprennent le piège dans lequel on a voulu les faire tomber. Les dispositions de la loi Hamon en matière de contrats d’approvisionnement de gaz en citerne peuvent donc être qualifiées sans exagération de magnifique coup d’épée…… dans le gaz. Il est des rentes qui sont plus solides que l’acier des citernes. Si on peut accepter l’idée que les députés ne sont pas là, a priori, pour mettre des bâtons dans les roues des entrepreneurs, il est plus troublant de constater que ce fut le représentant du gouvernement qui refusa d’amender le projet de loi dans un sens plus favorable aux consommateurs.
On pourrait épiloguer sur la raison pour laquelle les intérêts du lobby du gaz en citerne ont prévalu une fois de plus sur ceux des consommateurs, dans un projet de loi pourtant censé défendre uniquement leurs intérêts. Une telle occasion de remettre les pendules à l’heure ne se reproduira avant longtemps, et c’est fort dommage. Ainsi pour pouvoir changer de fournisseur, le consommateur qui a choisi le mauvais propanier devra continuer d’attendre que son contrat arrive à terme avant que ce dernier daigne retirer sa citerne. Il ne pourra pas hâter le cours des événements en obligeant son fournisseur à lui céder la citerne en cours de contrat, ou en faisant valoir un droit d’usage sur cette citerne lors du renouvellement du contrat, comme le recommandait l’Autorité de la Concurrence.
Craignant probablement de voir des hordes de propaniers étrangers venir disputer aux rentiers français du GPL la possibilité de venir remplir les réservoirs en place, le gouvernement a refusé d’assouplir les contraintes pesant sur les consommateurs en matière de changement de fournisseur, alors que le dispositif de changement de fournisseur a été considérablement assoupli sur le gaz naturel et l’électricité suite à la libéralisation des marchés des énergies en réseau.
Une maigre consolation : les contrats ne pourront pas durer plus de 5 ans. Il est vrai que l’immense majorité des contrats signés ces dernières années l’étaient pour des durées de 3 à 6 ans. Quelle avancée magistrale pour le consommateur que d’obliger les propaniers à diminuer d’un an la durée de contrats qui restent largement abusifs ! Une tentative d’amendement d’un député de droite durant la discussion du projet de loi a bien essayé de limiter cette durée maximale à 3 ans (ces contrats ne peuvent dépasser 2 ans en Allemagne) mais le représentant du gouvernement a jugé que c’était faire trop de cas des demandes des consommateurs français.
Je commente et analyse à la suite les dispositions nouvelles de la Loi Consommation relatives au gaz de pétrole liquéfié. Le texte complet se trouve ici sur le site Legifrance.gouv.fr (les contrats propane font l’objet de la seule section 17) :
Tout d’abord, contrairement à ce qui est écrit sur le site ACQUALYS au sujet de la loi Hamon et les contrats GPL, il est clair que les dispositions de loi Hamon, ne s’appliquent qu’aux seuls consommateurs et non aux professionnels.
Article 121-106 : Cet article n’impose pas la signature d’un contrat de livraison entre le propanier et le client, et c’est une bonne chose de prendre exemple, en la matière, sur le fonctionnement du marché du fuel domestique.
Article 121-107. Alinéa 5 : C’est là que le bât blesse sacrément. La loi ne prévoit en effet aucune obligation pour le propanier de proposer la vente de sa citerne, au début, en cours ou en fin de contrat. Le gouvernement a donc refusé de suivre la recommandation de la Commission des Clauses Abusives qui préconisait qu’une clause obligeant le propanier à vendre la citerne en cours de contrat figurât systématiquement dans tous les contrats. Un zéro pointé pour le gouvernement et une grande victoire pour les propaniers !
Article 121-107. Alinéa 7 : c’est une bonne chose que la loi ait prévu que le nom du propriétaire de la citerne figure sur le contrat : en l’absence de cette mention dans les contrats américains, la situation juridique de certaines citernes apparaît quelque fois insoluble.
Article 121-107. Alinéa 10 : Le principe d’une compensation ( financière ou en nature ) en cas de retard de livraison ne figurait pas dans les contrats de propane jusqu’à présent et c’est une bonne chose qu’il y figure désormais. Par contre il est choquant que cette Loi n’ait pas prévu la résiliation pure et simple du contrat aux torts du propanier en cas de retard de livraison entraînant un risque de rupture d’approvisionnement ( le gouvernement aura oublié de me consulter à ce sujet !) . On notera que les juges américains ont fort logiquement considéré que ce droit de résiliation anticipé au bénéfice du consommateur est la conséquence logique de toute exclusivité de remplissage : il faut bien libérer le consommateur de son exclusivité si ce dernier n’arrive pas à se faire livrer par son propanier ! Cette Loi aurait donc dû prendre des dispositions pour empêcher les propaniers, en période hivernale, de considérer que les routes enneigées constituent un « cas de force majeure » permettant de se dispenser de leurs obligations d’assurer la continuité de l’approvisionnement de leurs clients.
Art 121-108 : Durée des contrats limitées à 5 ans : oui, mais pourquoi pas moins de 5 ans ?
Art 121-110 : Clause de révision de prix : c’est l’autre clause très importante de la loi Hamon, avec la clause de limitation de la durée des contrats à 5 ans. Selon cette clause, un propanier ne peut plus augmenter ses tarifs de manière subreptice et assumer que cette augmentation est automatiquement acceptée par le client. Le client dispose désormais d’un délai de trois mois pour refuser toute augmentation de prix après son entrée en vigueur, que celle-ci lui ait été ou non notifiée par écrit par le propanier. Ceci signifie concrètement que toute livraison facturée à un prix unitaire supérieur au prix unitaire de la facture précédente peut être contestée par le consommateur dès lors qu’il se trouve encore dans les délais prévus par la loi. Le client peut même en profiter pour demander la résiliation immédiate du contrat sans avoir à payer de pénalités de résiliation anticipée. Cette clause de sortie anticipée sans pénalités ne concerne pas uniquement les révisions à la hausse du prix du propane, mais tout « projet de modification des conditions contractuelles ». En clair : en période d’augmentation des tarifs, au prix d’une surveillance continue des prix du gaz, un consommateur peut désormais sortir rapidement d’une relation avec un propanier indélicat, en n’ayant à payer que les frais de retrait de citerne.
Ex : 1) le barème Antargaz augmente le 1er Novembre et votre tarif augmente en conséquence : vous disposez jusqu’au 31 Janvier pour refuser l’augmentation
2) votre remise personnelle est annulée comme prévu dans votre contrat, trois ans après la signature de ce dernier. Dans ce cas vous ne pouvez pas contester l’augmentation du tarif du gaz qui en résulte car il s’agit de la stricte application des termes de votre contrat, et non pas une modification contractuelle.
Art 1221-111 : On trouve dans cet article le découplage du remboursement des avances sur fourniture de gaz avec le remboursement des dépôts de garantie : le propanier ne peut désormais plus attendre la restitution de la citerne pour rembourser le trop perçu sur les prélèvements mensuels opérés sur le compte du client en règlement des factures de gaz. C’est un bon point pour le consommateur.
Malheureusement le législateur en a profité pour rallonger le délai de reprise de la citerne, lequel a été porté de deux mois (dans la jurisprudence actuelle) à 3 mois, dans la nouvelle Loi : les propaniers s’accordent donc un mois de plus pour venir retirer leur citerne après la fin du contrat … et un mois de trésorerie supplémentaire avant de restituer le dépôt de garantie au client. C’est totalement abusif, lorsqu’on sait qu’en Grande Bretagne, le propaniers sortant a l’obligation de venir rechercher sa citerne sous 15 jours !
Enfin ce même article prévoit une disposition anti-Antargaz : un propanier ne pourra plus prélever une somme au titre du dépôt de garantie de la citerne lorsque le contrat d’approvisionnement n’est pas « repris » par le nouveau propriétaire suite à la vente de la maison. Une telle disposition était prévue dans les contrats Antargaz, le propanier l’ayant décalqué des contrats de bière. Cette clause inventée par les brasseurs de bière visait à empêcher que la vente d’un fonds de commerce de bistrotier – cafetier ne se traduise par une perte de chiffres d’affaires pour le brasseur « sortant ». Spécialité d’Antargaz, cette clause avait le don d’énerver les notaires, et d’exaspérer les acheteurs de pavillons équipés d’une citerne Antargaz. Cette clause est désormais illégale.
Ce qui ne figure pas dans la Loi et qui aurait dû y figurer :
a) Obligation de céder la citerne à première demande du consommateur, en cours de contrat ou dès la fin du contrat initial. A défaut d’un accord du propanier sur la cession du réservoir, création d’un droit d’usage au bénéfice du consommateur, lui permettant de remplir la citerne auprès du fournisseur de son choix.
b) Après le contrat initial, le contrat doit se renouveler tacitement pour une durée indéterminée.
c) Obligation pour le CFBP de créer une filière de récupération et recyclage des citernes propriété des clients et dont ces derniers souhaitent se débarrasser (cette proposition intelligente avait été formulée par le député-maire LR du Touquet Daniel Fasquelle dans son projet de loi mort-né sur le GPL)
d) Encadrement des conditions dans lesquelles une résiliation anticipée peut induire le paiement d’une indemnité de résiliation. En particulier l’indemnité de résiliation anticipée ne devrait plus pouvoir être réclamée une fois le contrat initial terminé, même en cas de signature d’un nouveau contrat par le client. De même un déménagement ne doit pas donner droit à une indemnité de résiliation anticipée en faveur du propanier (nota : cette indemnité n’est actuellement pas due au propanier par le locataire d’une maison. Il devrait en être de même pour le propriétaire immobilier).
e) Interdiction faite aux propaniers d’obliger les PROPRIETAIRES de citerne de gaz de signer un contrat d’entretien-maintenance pour obtenir une livraison de gaz (comme cela se pratique depuis belle lurette en Allemagne). C’était une recommandation du rapport de l’Autorité de la Concurrence de 2014.
f) Suppression totale ou limitation des frais de retrait de citernes aux coûts encourus par les propaniers et leurs sous-traitants ( voir à ce sujet décision du TP de Vienne dans les archives de Février 2016)
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On attend de voir comment les propaniers vont modifier leur contrat pour intégrer ces nouvelles dispositions légales…..Mais si vous êtes en train de renégocier actuellement votre contrat avec votre propanier, n’acceptez plus de contrats d’une durée supérieure à 5 ans, même si la loi, promulguée en mars dernier, n’est pas encore officiellement entrée en vigueur.
(1) Pour une synthèse des changements introduits par cette loi : http://www.conso.net/images_publications/INC_PL_Hamon_tableau_entree_vigueur.pdf