L’augmentation de ces exportations maritimes de GPL, principalement du propane pour le chauffage et la pétrochimie en direction de l’Amérique du Sud, perturbe actuellement le commerce mondial des combustibles raffinés et tire les prix à la baisse. Les Etats Unis sont devenus en 2011 exportateurs net de propane pour la première fois depuis 30 ans.
Le retournement spectaculaire est illustré par ce graphique des importations et exportations américaines de propane sur les 8 dernières années
La flambée des exportations américaines de propane et de propylene (160 000 barils par jour, un doublement en trois ans), conséquence de l’essor de la production du gaz de schiste dont le propane est AUSSI un sous-produit, donne un avant-goût des changements importants qui pourraient survenir si les Etats-Unis devaient exporter demain du gaz naturel.
Les exportations de propane des États-Unis devraient encore doubler dans les prochaines années et devraient même égaler celles de l’Arabie saoudite fin 2013. L’Arabie saoudite est le troisième exportateur mondial de GPL après le Qatar et les Emirats Arabes Unis, dès que l’extension des terminaux pétroliers texans d’Enterprise et de Targa (autrefois consacrés uniquement à l’importation à destination du marché intérieur) auront terminé leur agrandissement.
La production de propane des États-Unis à partir du seul gaz de schiste, atteint un niveau record en Octobre 2012 à 739.000 barils par jour (bpj) contre 630 000 barils par jour en 2011 et autour de 500.000 barils par jour en 2007.
Jusqu’à présent, le surplus de production de propane était resté « coincé » aux USA en raison d’un manque d’infrastructures d’exportation, mais avec de plus grands terminaux gaziers, la carte du commerce mondial des GPL va rapidement se redessiner.
«Sortir des arbitrages sera beaucoup plus rapide, il sera plus facile de répondre instantanément aux déséquilibres du marché. Il n’y aura des flux plus importants et donc des formules de prix plus intéressantes » selon Olivier Jakob, analyste chez le consultant Petromatrix. « Sur un horizon a plus long terme, les modèles d’arbitrage seront redéfinis. »
Même s’il peut être considéré par les pétroliers comme un produit de niche, le GPL a réussi à déranger la saisonnalité du marché du naphta, un sous produit concurrent tiré du raffinage du pétrole brut. Le propane est une alternative au naphta dans les installations pétrochimiques fournissant la matière première pour l’industrie des plastiques, et les groupes pétrochimiques passent régulièrement de l’un à l’autre en fonction des prix relatifs du naphta et du propane. La demande de chauffage en hiver maintient généralement le prix du propane au dessus du naphta en hiver, alors que la tendance s’inverse durant l’été.
« Le prix du propane est descendu tellement en dessous du naphta que les craqueurs d’éthylène ont opté pour le propane très en avance sur le calendrier » a déclaré un trader en produits pétroliers.
A mesure que se rapproche l’échéance de l’arrivée massive des exportations américaines, les prix du propane européen sur le marché libre ont plongé à 100 USD la tonne sous le naphta en Janvier dernier, avant de remonter légèrement ensuite à – 60/-80 USD. Cette baisse du propane a eu un effet rebond en réduisant la marge du naphta par rapport au pétrole brut a environ 5 USD le baril depuis le début de l’année, une marge inhabituelle pour cette période de l’année.
Le terminal maritime ENTERPRISE dans le golfe du Mexique devrait augmenter ses exportations pour atteindre environ 10 bateaux gaziers par mois ( on appelle ces gaziers des « Very Large Gas Carriers » ou VLGC) et le terminal de la société TARGA a prévu d’ajouter 4 autres VLGC à partir d’Octobre 2013, selon plusieurs traders en GPL. Depuis le début de l’année, les exportations du terminal Enterprise sont passées de 6 VLGC en Janvier à 8 en Février et au moins 9 sont prévues en Mars, selon les mêmes sources. Des cargaisons spot supplémentaires sont susceptibles d’être ajoutées à ce total.
«La production de schiste a abouti à une telle quantité de propane…Celui ci est exporté vers le Brésil pendant que le reste de l’Amérique du Sud se désiste du propane européen qui arrive normalement en provenance d’ARA » selon un courtier ( ndlr : ARA = nom du hub maritime constitué par les ports d’ Amsterdam-Rotterdam-Anvers, et par extension nom donné au marché où sont cotés les produits pétroliers importés en Europe continentale) .
D’autres courtiers ont également déclaré que la plupart des exportations américaines étaient envoyés au Mexique, au Brésil et en Amérique du Sud, mais qu’une partie arrive à se frayer un chemin jusqu’ au hub européen ARA de la Belgique et des Pays-Bas.
À plus long terme (à partir de 2017 selon les spécialistes), les effets du boom du schiste pourraient diminuer lorsque l’augmentation de la consommation intérieure américaine (plusieurs sociétés américaines ont annoncé la conversion de leur flotte de véhicule au propane ) rattrapera l’effet d’aubaine d’une énergie bon marché. A court terme cependant, la situation des marchés restera instable.
L’impact sur le GPL et le naphta n’est qu’un exemple de la façon dont le boom américain du schiste a redessiné la carte énergétique mondiale : il a déjà contribué à une forte hausse de la production américaine d’essence, ce qui fait des Etats-Unis en Octobre 2012 un exportateur net d’essence pour la première fois en plus de 20 ans. Le marché du gaz naturel est sur le point de connaitre un choc similaire puisque les États-Unis sont également en bonne voie pour devenir un exportateur net de gaz naturel dès 2016, selon l’agence gouvernementale EIA.